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Les marques peuvent-elles communiquer sur leurs bonnes actions sans se faire basher ?



Coca freine sur le plastique ! L’Oréal réduit sa consommation d’huile de palme ! Danone soutient les agriculteurs ! Super, non ? Sauf que les consommateurs ont toujours quelque chose à y redire.

Tout commence avec Nespresso. La plus célèbre des marques de café encapsulé se fait souvent taper sur les doigts : l’aluminium serait un fléau pour la planète, et l’entreprise contribuerait à l’alimenter. Pourtant, à ce niveau, les équipes s’engagent. Nespresso collecte les capsules utilisées, les recycle, et – depuis 2012 – fabrique les nouvelles à partir d’aluminium recyclé.

Plutôt cool, non ? Sauf que quand on en parle, les conso crient au greenwashing.



Dans la tête des gens, les marques ne peuvent pas être engagées

Nespresso est loin d’être un cas isolé. Dès qu’une marque n’est pas irréprochable sur tous les plans, vanter ses bonnes actions revient à s’exposer à une foudre de commentaires négatifs basés sur le modèle du « oui, mais ». « Oui c'est bien que Danone aide les agriculteurs. Mais quand même, les pratiques de l'entreprise sont douteuses."

Pour Thomas Frébourg, Directeur Général de l’agence d’influence 14 septembre, ce n’est que le symptôme d’une perte de confiance des consommateurs envers les grandes entreprises. « Aux différents scandales sanitaires et sociétaux se sont ajoutées les rumeurs propagées sur les réseaux sociaux. Tout ça a contribué à accélérer une défiance généralisée », analyse-t-il. Le consommateur se pose des questions. Et entre les discours des entreprises, l’information parfois biaisée des médias et les « on-dit » partagés sur les réseaux, il est perdu. « Ça ne veut pas dire qu’il n’est pas à l’écoute des marques, au contraire. Il a besoin d’avoir des renseignements, mais surtout d’avoir des preuves. »


Faire l’autruche

Dans ce contexte, certaines entreprises préfèrent garder le silence et mener leurs bonnes actions en toute discrétion. Jeanne* travaille au sein d’un département RSE. Sa boîte fait de gros efforts en ce qui concerne la réduction des déchets. Problème : pour vendre certains produits en Chine, il se pourrait qu’il faille réaliser des tests sur les animaux. « J’ai peur que si on communique sur nos actions environnementales, les gens se renseignent pour savoir ce qu’on fait de travers. »

Il est alors plus facile d’avancer dans son coin plutôt que de risquer un bashing médiatique en bonne et due forme.


Simplification du débat

À ce titre,Nicolas Vanderbiest déplore les méthodes de certains médias type Cash investigation. « Les faits dénoncés sont prouvés, mais leur présentation a toujours quelque chose d’un peu complotiste. » Celui qui accompagne les entreprises qui connaissent des situations de crise regrette que les journalistes qui dénoncent grossissent le trait pour intéresser le grand public. Ils ne présentent souvent qu'un aspect de la situation. « Ça simplifie complètement le propos », et ça met le consommateur en opposition immédiate envers les marques. Dès lors, il serait trop long pour les entreprises de contextualiser les motifs d’accusation, de se justifier par des chiffres compliqués, ou de partager des plans d’investissement à 5 ans… et parfois les concernés pensent qu’il est plus facile de faire profil bas.


Prendre les devants

Pourtant, les marques auraient tout à gagner à ne pas choisir la facilité. Nicolas Vanderbiest voudrait que les marques aillent plus loin, quitte à revendiquer elles-mêmes leurs mauvaises pratiques. « Reconnaître, avant de se faire dénoncer, qu’on a des problèmes ou des difficultés sur certains aspects de son modèle rend tout de suite plus crédible. » C’est aussi la recommandation de Thomas Frébourg. « Il ne faut pas arrêter de communiquer par peur de récolter des commentaires négatifs ! Il faut nourrir les discours par des faits, avoir des éléments concrets à montrer aux détracteurs. »

Il partage l’exemple de Nespresso (qui est un client de l’agence, ndlr). « Bien sûr que l’entreprise veut faire du business, mais elle le fait dans un modèle vertueux. Quand les équipes disent que Nespresso a une empreinte carbone neutre en France, c'est vrai. C’est aussi pour compenser l’utilisation des ressources qui est faite pour l’ensemble des activités. Cette compensation est vertueuse au sens où l’entreprise plante des arbres dans les plantations de café avec lesquelles elle travaille – l’agroforesterie favorisant la biodiversité et l’ombrage, et donc la qualité du café. Nespresso a à la fois un impact positif et une logique de qualité sur le long terme. Ça ne l’empêche pas de reconnaître des ambitions à plus longue échéance : sur son site, la marque valorise ses objectifs accomplis, et vise plus loin avec des objectifs à horizon 2020. » 


Marques « jeunes » vs marques « installées »

Sur ce terrain, les nouvelles marques ont un coup d’avance. « Les jeunes entreprises ont pris dès le départ une position d’engagement. Dans la façon même dont elles conçoivent les produits, les valeurs sont des items essentiels », explique Thomas Frébourg. C’est peut-être là leur différence avec des entreprises plus anciennes et bien installées. « Ça ne veut pas dire qu’elles ne menaient pas, à une autre époque, des actions en matière de RSE mais elles ne les communiquaient pas forcément. »


Le détracteur : un nouvel influenceur ?

Dans la mesure où nul n’est parfait, il faut accepter de se dire qu’on a toujours une marge de progression – et que les détracteurs en profiteront toujours. Ça ne signifie pas qu’il faille répondre à chaque commentaire négatif, mais qu’il faut prendre en compte ces nouveaux interlocuteurs. « Il est important de parler avec ces publics-là », estime Thomas Frébourg. Organiser des tables rondes en petit comité à leurs côtés ? Pourquoi pas. Prendre la parole lors d’événements où la marque n'est pas attendue ? Bonne idée. « Tout dépend des enjeux, des problématiques, des univers dans lesquels on évolue. Mais aller à la rencontre de certains détracteurs pour discuter avec eux et délivrer un discours de vérité, c’est positif. Ça va permettre de taire un certain nombre d’idées reçues. »


En définitive, ce n’est pas parce qu’une entreprise choisit de ne pas communiquer que les consommateurs ne parleront pas d’elles en mal. Les initiatives positives seront peut-être critiquées... Mais elles auront le mérite d'exister. Et, surtout, de montrer qu’il est possible de changer.

*Le prénom a été changé


Auteur : Mélanie Roosen

Source : L'ADN



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